Notes du webmestre

Nouvelle adresse pour le site web de Claude Jasmin

J’ai du changer l’adresse web du site de l’écrivain  Claude Jasmin. La nouvelle adresse est http://claudejasmin.ca . SVP changez vos signets et partager pour passer le mot . Explications: https://marcbarriere.com/?p=6240

La Petite-Patrie par La Petite Patrie 

La série de Claude Jasmin La Petite Patrie se déroule dans le quartier du même nom. Voici un document La Petite-Patrie par La Petite Patrie ( PDF), préparé par M. Normand Bibeau,  qui présente les lieux correspondants. Ce document a été publié originalement dans le groupe Facebook Mémoires de Petite-Patrie, Villeray et la Petite-Italie.

 

Décès de Claude Jasmin

Nous avons le regret d’annoncer que Claude Jasmin est décédé cette nuit.
Il aura marqué toute une génération avec ses écrits.


Marc Barrière, webmestre du site, 29 avril 2021

 

 


Éléments de revue de presse sur son décès

 

 

 


Témoignage de sa fille Éliane (29 avril 2021)

Mon père Claude Jasmin nous a quitté cette nuit et j’en ai le cœur serré. Je sais cependant que là où il est, il ne souffre plus. De plus comme il m’a confié brièvement croire toujours en Dieu …
Avec ses 90 ans bien sonnés, il conservait sa joie et son appétit de vivre jusqu’à la fin. Mon père c’était pour moi un homme fort et résilient. C’était aussi un communicateur né. Il écrivait un journal de la famille très jeune. C’était aussi un créateur talentueux tant en littérature, en journalisme, en animation télé, dans les arts visuels. Ayant commencé sa carrière à la roulotte avec Paul Buisonneau, il est resté connecté aux enfants toute sa vie, sachant comment les captiver. Ses cinq petits enfants, David, Laurent, Simon, Gabriel et Thomas peuvent en témoigner: il était conteur avec eux comme avec nous tous, mon frère Daniel et moi ainsi que Raymonde, sa conjointe dont il était toujours amoureux. Ses téléromans dont la célèbre série la Petite Patrie en sont la preuve. Un quartier de Montréal porte d’ailleurs ce nom. Ses quatre sœurs qui lui survivent en sont bien fières et habitent cet arrondissement.

Eliane Jasmin

Au balcon du Château!

 C’était connu. Les ados de Villeray en rigolaient et s’en excitaient. Au balcon du cinéma du coin, le Château, il y avait Paulette.

Oui, Paulette Ringuette, une voisine  de la rue « Drolette ». Que de « ette » ! Apprenant sur les manèges « de cette « vraie putain » (leurs mots), nos mères, scandalisées, en furent affreusement offusquées. Cette « démone » des après-midis blottie —ô « 7ième art »—, mal cachée au balcon, exigeaient 25 « cennes » pour un « poignet »,  50 « cennes » pour « un ouvrage de bouche ».

Pareille barbarie en pays catholique ! Nos mômans, puritaines ou non, s’en couvraient la face ! Le règne de Paulette Ringuette de la rue Drolette… ne dura pas très longtemps. Dénoncée, elle se ramassa à « La Lorette » de Laval des Rapides, une prison pour délinquantes graves !

Cette maison sinistre était voisine de chez mon « pépère Prud’Homme », là où nous y allions souvent, toute la sainte famille en visite le dimanche. Or, un jour, brin de foin au bec, me promenant dans un champ, je me trouvai un bon dimanche face à face avec… la démone en personne, Paulette de Lorette, accompagnée d’une gardienne en uniforme ! « Salut tit-cul Jasmin, toujours étudiant oui ?, p’tit voyeur du balcon du Chateau? »

Je riais jaune jouant l’étonné, mon frère cadet Raynald était à mon coté. J’ai osé : « Tu es emprisonnée pour combien de temps p’tite bommesse ? » Elle rit et dit : « Quoi, tu veux revenir hanter le balcon du Château ? ». Sa surveillante en uniforme éclata en rires.

De fait, pas bien longtemps plus tard, notre dévouée Paulette était de retour « au boulot », dans Villeray. Mais le temps du balcon était terminé. On racontait au restaurant de papa qu’avec trois ou quatre délurées, la divine Paulette protégée par un « p’tit mon oncle » vicieux, avait ouvert un discret et populaire bordel officiel, en pleine rue Saint-Hubert, juste au dessus du Steinberg ! Tous les zoot-suits fréquentaient volontiers ce lupanar à bon marché. Un jour d’un beau juillet chaud et très ensoleillé —crac et bang !—,  fermeture —et à jamais— du vilain commerce de Paulette. Le guilleret et grouillant paroissien de Sainte-Cécile, le notaire Despaties, tombé subitement veuf, ne le resta pas quinze jours. Il était devenu le riche respectable mari (devant curé) de cette diffamée jeune Paulette.

Et, bien entendu, grand cocu du petit territoire.

Gamins, quand on le moquait dans ses promenades de santé en agitant nos doigts en forme de « cornes de cocu », il riait tout le premier. Un peu plus tard, ce brave Joseph-Maurice Despaties fut trouvé, cadavre déjà refroidi en un « froid » matin d’hiver. Au fond de son hangar, avec plein de buches-de-bois dans les bras !     

Adieu monde cruel et aux salons de Rémy Allard rue De Castelnau, on y a vu un bon cortège de ses chères et tendres « assistées » sociaux. Car le Despaties avait un coeur grand comme… sa naïveté.

Un soir de veillée, une très grosse dame, vraiment « hénaurme », très frisée et très fardée, vêtue de noirs linges partout,  soudain, s’y  présenta, entourée de trois jeunes bambins. Ce sera surprise et chuchotements ! Priée de s’identifier par le directeur des Salons, elle déclina fièrement : « Je suis la mère, la veuve de ces trois enfants qu’en secret, il adorait ! »     

Silence partout rue De Castelnau ! Fertile, la grande démone du balcon du Château !

Publié dans le ejournal de Rosemont-La Petite Patrie

FEU LE FEU: mort du comédien Paul HÉBERT

Paul oh Paul,!, tu en avais assez et tu t’en vas ? 

Merde, mon cher vieux comédien-resté-enfant, où donc iras-tu installer ta flamme ? Tu brulais. Sans cesse. Avec discrétion. 

D’où sortais-tu, ivre de scène, certains soirs, mon cher Paul Hébert, toi, jadis, en jeune homme aux perpétuelles sourires de bons jocrisses ? Tu avais des manières étranges et neuves, des sortes de poses modestes. Avec une distinction rare, aristocrate théâtreux toujours déguisé, personnage bizarre, intrigant, surprenant, inédit, étonnant, tu m’offrais, décorateur, un Shakespeare au Chantecler-Hotel. Premier théâtre d’été. …. 1er patron donc, comme un faux-boss, discret, retranché, prudent, méfiant aussi, tout enfoui de la tête aux pieds dans tes secrets, avec tes sourires crasses, tes mines de chat malin, ta voix de velours.

Tu étais bienvenue en métropole, cher Hébert venu de la Vieille Capitale, fantôme parmi nous les bohémiens de Montréal, on te disait « oui », on te disait bienvenu, tout le clan métropolitain. Oui à ce grand déglingué, ce Québécois de Québec aux gestes d’un fieffé ratoureux ! Ta voix comme grincharde (sic), engin curieux, voix de grinçements mais si chaude aussi. Ton bizarre accent bien à toi, séduisant. On saluait ce « retour au pays », ce revenu du prestigieux « Old Vic » d’Angleterre. ! 

Ainsi, tu t’en es en allé. Ainsi ?

Adieu donc. Parti: vite, drette, sec, net…Oh Paul, merde, on va s’ennuyer de toi. Dès ton arrivée à Montréal, on avait bien  senti, nous tous dit du « milieu », ce nouvel apôtre fou, allumé, malin, bourré de dons et on t’ouvrait bien grands les bras alors !

À te revoir camarade Hébert ! Haut.

(30)  

VAILLANTE JANINE SUTTO

 

     Va, tu peux t’en aller Janine Sutto. 

     Va-t-en maintenant. 

     Tu te livrais sans cesse, trop généreuse, grande âme, âme grande ouverte avec tes inoubliables si doux sourires. On voyait —un peu— maintenant, ta fatigue de vivre, toi l’intensité incarnée, on voyait ton épuisement. Depuis si longtemps ton zèle pour jouer cent et tes visages à cent, à mille angles, t’arrachaient des silhouettes si vivantes !  Tu étais présente partout, veilleuse intense, et entre tes doux beaux yeux, sur ce visage fragile, on découvrait tes incessantes admirations, et, parfois, oui, oui, top franche, des soupirs d’insatisfaction.

      Janine Sutto, tu as beaucoup fait dans tous nos parages scéniques, ou à la télé. Janine Sutto, tu étais partout, tu as joué partout, ici ou là. On entendait les soirs de « premières », tes petits cris de souris, tes grands rires d’emballement. Mille fois, mercis, oh toi, la  si généreuse et si attentive observatrice du « théâtre » qui se fait.  

      Nous n’oublierons pas, jamais, tes cris de joie, de bonheur ou tes grands éclats rires, avec tes gestes d’animatrice. Et aussi, parfois, tes sévères critiques d’exigeante parmi les exigeantes. 

      Oh toi, notre Janine Sutto « nationale » qui courait  partout, partout, tu as vraiment beaucoup donné. Étonnés, nous te regardions aller si vite derrière tant de rideaux de velours, rouges, gris ou noirs. Subjugués on arrivait mal à te suivre, car tu voulais tout voir. Tu espionnais le talent, on dirait, partout et sans cesse, aux coulisses de tous nos théâtres, les yeux agrandis, les mains ouvertes, tes bons sourires à tes lèvres juste avant les compliments…ou les sévérités. 

     Tu étais cette enfant venue de France, qui allait vivre à toutes les métamorphoses , ici, dans notre métropole et toute sa vie.  Au beau milieu des personnages inventés par les dramaturges divers, tu faisais feu, Janine Sutto, et flammes, et flammèches, vives étincelles pour illuminer tous les boisés de nos alentours, Janine Sutto c’était une actrice vraie. 

Et pas de complaisance, avec la Sutto, oh non, jamais. Pas avec cette sorte de femme, pas quand on a, comme innée, cette intelligence « des planches », voici maintenant des « planches » moins amusantes, les fameuses planches sur lesquelles il faut bien accepter un jour d’aller s’allonger…à jamais. Merci pour tout chère Janine Sutto.

Claude Jasmin

Sainte-Adèle

Mars 2017. 

  

« HOMO, À N’EN PLUS FINIR ? »

      Lire si (trop) souvent, dans journaux et revues, (aussi à la radio comme à la télé) de ces actuelles accusations retardataires … face aux curés aux nains longues et vicieuses. Pouah ! Ça pue parfois Car il y a eu « domination » sur enfants. Cela grandit en nombre, non ? Y a-t-il eu des « épargnés » !
Et moi ? Et moi ? chantait l’autre. Chez ces dignes et nobles « messieurs de Saint-Sulpice » ( ô supplice), rue Crémazie, le vice qu’on disait effroyable, se répandait. Il y avait, on les oublie, des profs fameux, si dévoués et si compétent. Salut à ta mémoire Paul Legault, prêtre !)
Il y avait aussi de ces sombres et tristes malades sexuels ! Aux moins deux à qui j’ai eu affaire. C.S. et  G. F. Deux prêtres vicelards bien « ensoutanés ». Chercheurs pathétiques d’affections… masculines bien charnelles ! Le vœu de chasteté pesait trop lourd !
Monstrueux guetteurs d’ados, ces jeunes gars appétissants à leurs yeux de « pédés-pédagogues » était une obsession morbide chez ces rôdeurs acharnés, parfois terreur des récréations, ou des mis en « retenues » après cours. Et cela  jusque dans le vaste boisé derrière le collège Grasset. Obsédés maudits !  On se sauvait de ces satyres et parfois littéralement ! Mais des jeunes d’un  « genre » mou, fragile, hésitant (des futurs fifis ?) cédaient à leurs avances charnelles. Des sataniques perfides filous et, profiteurs car « en autorité ».
Les plus forts rigolaient. On a vu des cas cruels: un élève jouait le consentant, rendez-vous et paf, bang !, sur le « lieu du crime », c’était coups de batte et regroupements subit d’élèves-témoins. Les moqueries, le chantage, donc, menaces de dénonciation ! Oh ! Que d’humiliations alors pour le « moine » déculotté et dénoncé. Cette misère sexuelle dans un monde de bigots et de dévots était lamentable. Des curés « invertis » furent exilés. On ne savait où. On parlait entre nous d’une « prison des prêtres », au fond des Laurentides.

Vérité ou rumeur, comment savoir ? Ces subits déménagements de  ces profs  « aux mains trop longues » nous intriguait fort ! Et puis, adieu les études, on part travailler dans la vie courante. Moi ? À vingt-cinq ans, parmi les  scénographes de la télé publique, devoir faire face encore à une bonne part de ces invertis. Certains aînés farauds, fort entreprenants, cherchant activement des complices, des co-religionnaires quoi.
Hyènes, des chacals impatients parfois ( à nos yeux) des séducteurs aveuglés, tous incapables de bien voir « qui en est » et « qui n’en est pas ». Parfois, des confrontations profitables certes. Des couples se formaient ! Alors il y eut des clans et des chapelles ardentes. Des factions aux cloisons solides. Aussi, une sorte de tolérance. Un drôle de marché, clandestin marché aux fesses. Moqué, ridiculisé. Une cruauté puisque l‘on naît homo, comme l’on naît les cheveux noirs ou blonds. Non ?
Découverte aussi, surprise, que les plus créateurs, les plus brillants décorateurs étaient souvent …des homos ! Silence alors. Justice alors. « La pire tapette » des lieux est « la plus folledingue ». Eh oui ! C’est parfois une sorte de génie !
Voilà donc que le plus sensible, le plus doué s’avère « en être !. Je deviendrai, je le souhaitais, son meilleur camarade mais ce cher R.P. s’exilera volontairement (* avec un « lui », plus jeune) en Italie, à Rome et à jamais ! Mes regrets de perdre un compagnon radio-canadien précieux, avec qui, les lunchs du midi dans une modeste gargote voisine devenaient comme de riches et instructifs cours d’histoire de l’art ! Éblouissant R.P. !
Plus tard, devenu aussi écrivain, je rédige mon deuxième roman ; « Délivrez-nous du mal », qui est le récit d’une « passion homosexuelle ». Une pré-publicité énerve un camarade (Jean-Marc) qui, inquiet, tourmenté, vient me questionner dans mon cagibi de scénographe : «  J’espère, Claude, que tu ne t’es pas servi de l’un d’entre nous, et pour le salir ? » Non. Homos, mes deux « héros » illustraient une incompatibilité de caractère et aussi « la honte » d’un père puritain. Le jeune (alors) cinéaste, J.-C. Lord en fit un (pas bien fort) film. En noir et blanc. Yvon Deschamps et Guy Godin jouaient ma paire d’amis contrariés. Via ILLICO ou autre machin, on peut se le visionner ; dépourvu de moyens, le film est faible et TVA (financier du film) le montre parfois à des heures impossibles.

« Publier sans cesse »

 

L’année 1975, inoubliable pour ma carrière en cours, une année étonnante, ce sera pour moi une année épatante, fructueuse, et qui me combla à fond comme auteur. À la télé, j’ai sans cesse des invitations. Pour des billets. Des débats à Tva, Canal 10. Michel Tremblay en est très souvent et il affirmera s’être fait connaitre grâce à ces prises de bec. Celles surtout sur le « joual ».

On m’offre souvent des participations à des talk-shows, j’y passe l’un après l’autre. Je me ferai vite une réputation de farouche pamphlétaire. Et à jamais.

De plus, en 1975, je serai invité par le fondateur Pierre Péladeau (qui m’appelle son p’tit bum préféré) comme chroniqueur. Il y en avait très peu à cette époque. Cela tous les matins donc 365 articles par année ! Et durant des années ! Cette année-là, le quotidien « La Presse » publie, chaque soir, la biographie de mon enfance, « La petite patrie ». Le quotidien avait été son éditeur.

Comment ? En 1972, j’allais expédier « La petite patrie » à des éditeurs de Paris, me disant, que l’extrême « régionalité » du sujet pourrait justement faire son succès, par exotisme. Le lendemain de Jour de l’An 1972, rencontrant Stanké dans le hall de Radio-Canada il me dit souhaiter très fort publier un texte de moi. Flatté (?), je lui donne le manuscrit et Alain l’accepte le lendemain et il en fera un succès fécond.

Avec femme et enfants ( Éliane et Daniel), en vacances d’été de 1964, ce sera en petite coccinelle-63 le classique « tour de la Gaspésie ». J’en rêvais. Au retour, en janvier de 1965, j’ouvre ma petite « Royale portative ». Et toute l’ossature du roman « Pleure pas Germaine », chapitre après chapitre, va se rédiger fidèlement à partir de mes notes de voyage. De Villeray (rue Drolet) à Percé, et cette nuit de feu-de-camp.

Devenu pigiste à « Québec-Presse »— dirigé par Gérald Godin qui est aussi éditeur de la revue « Parti-Pris » (ainsi que des éditions éponymes), je confie à Godin le manuscrit gaspésien. C’est 1965 et lui-aussi, comme Stanké, me dira « oui » le lendemain de sa lecture. Ce sera un « hit » renversant.

Mon tout premier roman écrit en 1958 (avant 1960 et« La corde au cou ») parut en 1959, dans une revue littéraire à tirage plutôt confidentiel : « Les Écrits du Canada » (le numéro 7). Stanké, bombardé chef-éditeur chez l’énorme « L’Hexagone », ayant lu ce numéro 7 des « Les Écrits…», voulut en faire un livre et le fit. À mon grand contentement.

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PAULINE, UNE GUIDOUNE !

C’était prévisible. Avoir 15 ans et demeurer si candide. Pauvre de petit « moi », puceau et naïf, aux bons parents catholiques si méfiants. Le mal ! Cette Pauline était « le mal » aux yeux de notre petit monde bien évangélisé. La fille à fuir. Une voisine —de la rue Drolet— hautement toxique.

Ma mère —bigote— sur son balcon crachait d’un jet discret, vers elle, sur le trottoir, quand elle passait devant notre porte cette Pauvre Pauline. C’était une grassette et « pas bien propre »— coureuse de garçons, —rumeurs et chuchotements—une trainée, une délurée, un misérable orpheline de mère. Jolie ? Oui mais si vulgaire et une pauvresse jeune travailleuse. Avec une sixième année d’école tout juste.

Une drôle de fille, quoi. Capable de blasphémer comme un gars ! De cracher par terre des sommets glaireux dégueulasses ! Plusieurs disaient « une vraie putain » en parlant de cette séduisante et accorte jolie jeune fille. « La beauté de satan » répétait mon pieux papa.

On en avait tous un peu peur. Des enfants, bien prêchés conte la guidoune, se signaient sur son passage —aux parfums forts. On disait tant de choses. Aucune crainte de Pauline évidemment chez nos pires voyous, ces chômeurs compulsifs, ces fainéants dopés, ces zazous qui flânaient sans cesse —cheveux longs, frétillants sans cesse le boogie-woogie cigarettes à la chaine et chewing gums— tous les soirs sous les marquises des cinémas du coin de ma rue.

Pauline vivait surtout dehors, dans nos rues commerciales, fuyant son mini appartement de la rue De Gaspé, avec soin grand sac à main d’un rouge aveuglant, aussi ses larges sourires à tous, ainsi que ses œillades exagérés, et même souvent ses vifs propos pire que suggestifs, bref, son cran d’audacieuse débauchée…

Si dissemblable, cette fille, des autres jeunes filles de son âge, de notre quartier. Si épeurantes pour les « propriétaires de garçons », les « momans » couveuses. Ces victimes probables — tous les bons petits gars, les beaux partis, de notre paroisse— se devaient de ne pas même regarder Pauline.

Redire : Un mot la résumait : une guidoune ! Un bon soir, j’ai osé lui tenir compagnie, adoptant son banc à elle, je me suis installé dans ce petit tertre fleuri près de l’église Madona Della Difesia, rue Henri-Julien. Calme, amusée sans doute de mon audace, Pauline tout sourire, m’a questionné, une vraie grande sœur, sur tout, mes études harassantes dans ce collège privé, mes beaux et grands plans d’avenir, d’avocat, de docteur, de notaire…. À la fin, tard, s’approchant —ses seins me frôlaient— elle m’a permis un baiser. « Attention hein, pas sur la bouche, sur une joue ! »

C’était mieux que rien. Ce baiser, hélas, ne dura pas longtemps.

Or, Pauline finit par bien comprendre ce qu’elle était devenue : un être à part et ce sera donc une certaine solitude. De là, des gestes de désespoir. Exemple : aller jusqu’à accepter un poste de servante au presbytère.

Quoi ? Comment ?

Oui. On l’a acceptée ? Oui. Les bons prêtres de Sainte-Cécile étaient bien à l’abri des listes des « bons et des méchants, enfermés dans cette sorte de manoir hors des humains ordinaires, ils igoraient qui était cette Pauline Dion. Ces châteaux-forts de chaque paroisse étant très imperméables aux potins courants. Et aussi aux réalités. Pauline se transforma vite, première étonnée, en petite mairesse de lieux… comme sacrés !

Quelle horreur, non ?

Le scandale des scandales. Pétition fut vite organisée, on le devine bien. Résultat ? Étonnant. Affreux. Imprévu ! Les bonnes âmes en perdirent leur curé ! Hen ? En effet, un tout nouveau couple fuyait : la Pauline et cet homme de Dieu, le curé. Encore jeune et beau, l’abbé Favre. Mais oui, la guidoune et un des hommes consacrés —sacerdotum in vitam eternam— s’en allèrent vivre ensemble. Très loin, en Californie !  

Fin du scandale.

Longtemps après ça, un jour nos bons paroissiens apprenaient qu’un couple nouveau venait d’acheter la grosse maison du notaire mort, Poirier. Tout le monde vit alors, les cheveux dressés, les yeux exorbités…s’installer boulevard St-Denis confortablement, « elle ». Pauline. Vêtue de chic lingerie. Et lui, l’ex-abbé Favre. Dans un seyant et couteux costume bleu acier !

Bien pire : il y avait sur un petit tricycle, un petit garçon de joyeuse bille ! Et de magnifiques jumeaux, pas tassés du tout, dans une jolie voiture à pneus blancs. Imaginez les pipelettes. Imaginez les bobards ! Voilà donc que cette maudite et sale guidoune de Pauline Dion était parvenue au rang des « madames » bien nobles ! Qui a dit cela ? Qu’il n’y a pas de justice ?

Cependant, personne dans nos rues ne saluait ce cortège, celui du mauvais exemple. Nous apprenions bientôt que ce « diable en personne », était devenu un immonde « protestant ». Nos bigots rassurés, consolés, savaient ainsi qu’il n’irait donc jamais au ciel, puisque le cire;, on le savait bien à cette époque, était réservé aux vrais et aux bons catholiques-romains—universels… …mes bien chers frères….

bla bla bla !

fin

UNE BOMBE AVENUE DES PINS !

 

Il y a déjà presqu’un demi-siècle, un soir de 1968, une bombe éclate en pleine Avenue des Pins. Sur cette petite scène du théâtre de Quat’Sous, Avenue des Pins, éclate donc de neufs jeunes talents. Show avec des chansons effrontées (la torrentielle Louise Forestier) des dialogues fous (le grand démonté Robert Charlebois) et un culoté fort insolite qui soliloque ( l’efflanqué Yvon Deschamps).

Le public est sur le cul, éloigné très brutalement des vieux classiques (TNM, Rideau Vert, etc.) et va naître un curieux nouveau « classique » : Ostidshow. 1968 et je venais de publier, (chez le Parti-Pris de Gérald Godin) en patois jargonnique bien d’ici : « Pleure pas Germaine ». Bang !, critiques négatives très raides partout pour ce roman qui deviendra pourtant un « classique québécois ». Sera réédité sans cesse (chez L’Hexagone). Québec en « révolution tranquille » se poursuivra partout et vint donc cette bombe que fut l’ « Ostidshow ». Alors, le triste orphelin de Gélinas (« Fridolin ») ne régna plus seul, le vieux « Séraphin » de Grignon était distancé, ce pauvre livreur à vélo, (Raymond Lévesque), ce timoré « Médé » de Marcel Dubé, serait vengé.

Les héros nouveaux vont s’assumer, vont parler cru, blasphèmeront parfois car ce Canada-Français voulait s’épivarder, s’affranchir, se libérer à jamais et il le fera, carrément se révoltera. D’abord au petit « Quat-Sous », dans ce texte devenu aussi un classique. L’Ostidshow fut un cruel miroir, très gênant, une franche glace sans tain braquée sur nos catholiques populations intimidées.

Ce misérable gringalet de St-Henri (Yvon Deschamps), va nous « cracher à la figure » toutes nos « aliénations nationales », il va se démasquer du « colonisé québécois » dominé. Cette virulente catharsis nous sera bénéfique. Ostidshow, oh oui; ou « ainsi débuta notre délivrance ».

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